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J’échoue à saisir la ville que j’ai quittée, ses voix
N’ayant pas su me saisir. À écrire des heures durant pour
Rien qu’une seconde, j’avais cru qu’elles me viendraient
Sans peine, plus d’une décennie après.
Ces voix qui ont fait taire la mienne.


Non pas le bougonnement du boulanger ouvrant
Son commerce à 4 heures du matin. Ni le chahut
Des éboueurs. Ni les jurons de mon frère sur
Les échafaudages, à peindre une énième maison
Qui jamais ne sera sienne. Ni le refrain de mon père
Ponçant mon nom gravé au couteau dans la porte
Que j’ai claquée des milliers de fois. Des écoliers
Qui balancent leurs livres pour cueillir des fruits
Comme je l’ai fait. Ce sont les profs, les directeurs,
Les fonctionnaires, et tous ceux qui ont rejeté
Ma voix d’immigrant né parmi eux.


La ville de Suisse que j’ai quittée ne s’écrira jamais.
Les fenêtres, peut-être, les volets, chaque toit
Embelli par la pluie. L’intimité médiévale du lieu
Sur fond d’Alpes toutes-puissantes. Ma voix s’y
Retrouve dans chaque détail – avant de buter
Contre ce qui jamais ne pourra être dit.

Daniele PANTANO (Suisse)
© www.lecourrier.ch/articles/inedits 6 janvier 2020
Traduction en français de Eva Antonnikov

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