Miracle ordinaire :
Qu'il arrive beaucoup de miracles ordinaires.
Miracle banal :
Dans le silence de la nuit, l'aboiement de chiens invisibles.
Miracle parmi tant d'autres :
Nuage petit, léger,
et pourtant il éclipse la lune, grande et lourde.
Quelques miracles en un :
Que dans l'eau on voit l'aulne.
Qu'on le voit à l'envers, de gauche à droite.
Qu'il y pousse la couronne en bas.
Qu'il ne touche pas le fond, pourtant guère profond.
Miracle quotidien :
Vents faibles ou modérés, violents pendant l’orage.
Miracle premier venu :
Les vaches sont des vaches.
Un autre, pas plus mal :
Ce verger, pas un autre,
de ce pépin, pas d'un autre.
Miracle sans queue-de-pie, haut-de-forme, ni baguette :
L'envol soudain des blanches colombes.
Miracle, comment voulez-vous l'appeler autrement :
Le soleil s'est levé à trois heures quatorze,
et il se couchera à vingt heures zéro une.
Miracle qui n'étonne pas comme il devrait :
Les doigts d'une main sont, il est vrai, moins que six,
mais, en tout cas, plus que quatre.
Miracle, où qu'on regarde :
Le monde omniprésent.
Miracle accessoire, comme tout est accessoire :
Ce qui est impensable
se laisse penser.
Wislawa SZYMBORSKA (Pologne)
traduction de Piotr Kamiński
Extrait de Je ne sais quelles gens © Fayard, 1997